09/04/2009

Temps scolaire, économie et société

Ce texte provient d’un dossier du CRAP-Cahiers pédagogiques sur les rythmes scolaires édité au format pdf, disponible en téléchargement sur le site des Cahiers pédagogiques

C’est entendu, l’organisation du temps scolaire doit avant tout répondre à l’intérêt des enfants. Mais on n’a pas beaucoup avancé si l’on s’en tient à cette affirmation parce que, d’une part, les données de la chronobiologie, si importantes, reposent avant tout sur des moyennes, et que, d’autre part, l’élève de l’école est aussi l’enfant d’une famille, vivant dans une cité, qui a ses propres ressources, culturelles, sportives, éducatives, de loisir, et dans un pays, qui a ses propres rythmes et ses propres contraintes, avec leurs avantages, et leurs nuisances. C’est donc tout cela qu’il s’agit de prendre en compte et il n’est pas étonnant qu’il soit difficile de s’accorder.
Qu’en est-il des données économiques et des rythmes sociaux ? Affirmer que l’étalement des vacances d’hiver serait fait dans l’intérêt des stations de sports d’hiver procède d’une vue trop réductrice. Il est vrai que tout le monde ne part pas en vacances : mais le taux moyen de départ (1) augmente constamment, de 43,6% en 1969 à 52,5% en 1980 et 62% en 1994). Les professions libérales ont depuis vingt ans un taux de départ de 90%, les cadres moyens de 80%, mais les catégories sociales qui ont été le plus longtemps à l’écart de ce mouvement s’y mettent à leur tour : en vingt ans, le taux est passé de 47 à 55% pour les ouvriers, de 14 à 35% pour les agriculteurs. Les écarts sont encore très marqués pour les vacances d’hiver, et la majorité des familles et des enfants ne vont pas en vacances de neige, mais le mouvement est le même, et l’on ne peut que s’en réjouir.
De plus, le calendrier des vacances scolaires s’est progressivement concentré sur juillet et août, à mesure que la durée des congés payés s’accroissait, des deux semaines de 1936 aux cinq semaines de 1982 ; on retrouve cette tendance dans les périodes de fermeture de beaucoup d’entreprises, dans le rythme de fonctionnement des régions touristiques, où il est renforcé par la location au mois ou à la semaine calendaires, et on comprend qu’il rythme de fait les pratiques de la majorité de la population. À une autre échelle, la semaine anglaise, l’aspiration à un week-end prolongé, les horaires quotidiens des entreprises et des administrations favorisent encombrements, accidents, stress, et fatigue au retour des vacances et des week-end.
En période de pointe, les équipements sont saturés pour être sous-employés, et donc souvent moins attractifs, en période creuse, ce qui renforce la concentration sur les périodes pleines. Et quand il arrive que les périodes de vacances en France coïncident avec celles des pays voisins, le problème prend une dimension européenne. Au reste, il y a des limites, techniques et sociales, à un assouplissement de l’usage du temps, et des pressions s’exercent même en sens contraire, par exemple pour étendre encore les fermetures de week-end à de nouveaux secteurs, comme la Poste, en négligeant le service aux particuliers. La recherche de solutions est donc souvent compliquée par des réalités contradictoires.
Ainsi, l’assouplissement des horaires quotidiens de l’école – on laisse ici de côté son aspect proprement pédagogique – se heurte à la rigidité des horaires des entreprises, et donc des parents, à moins de mettre en oeuvre tout un système d’accueil : selon le maire de Rouen, «un collège devrait être ouvert de 7h30 à 18h30 cinq jours dans la semaine. Après tout, les hôpitaux sont ouverts 24 heures sur 24, 365 jours par an (2).» Il y a aussi les contraintes, d’abord financières, des horaires de ramassage scolaire ; on a montré par ailleurs que ce ramassage «réduit de 10 % les chances d’orientation en cycle long» à la fin de la troisième (3)».
Le zonage des vacances scolaires, timidement et difficilement introduit depuis 1968, a pourtant, en termes d’économie ou de confort, des avantages qui surpassent les inconvénients, comme, par exemple, la difficulté de faire des réunions de familles très dispersées à travers le pays. En particulier, si les vacances d’été étaient raccourcies, ce qui semble de plus en plus une condition d’un aménagement plus pédagogique de la journée et de la semaine scolaires, on ne ferait qu’aggraver les encombrements et tout ce qui s’ensuit (par exemple les prix) s’il n’y avait pas en même temps un plus net étalement du calendrier. Aux oppositions à ce raccourcissement et à cet étalement, on peut objecter que l’uniformisation du calendrier scolaire est, somme toute, assez récente, et, il faut bien le dire, qu’il n’y a pas de loi ou de décret qui fixe la durée des vacances des enseignants.
Mais il s’en faut de beaucoup que le mouvement soit suffisant. Il reste subordonné à l’idée que le temps, à l’intérieur des périodes scolaires, se déroule uniformément, de jour en jour, de semaine en semaine. Or, d’un côté, l’intérêt du week-end ou l’incitation au déplacement ne sont pas les mêmes à toutes les saisons, ou dans toutes les régions. Et, d’un autre côté, introduire de la variété dans le temps scolaire, y ménager des temps forts, des moments de réajustement, des temps de conclusion, serait accroître l’efficacité pédagogique de l’enseignement. Cela converge avec les réflexions sur l’étalement des vacances et sur un usage plus souple du temps. Il faut rappeler ici les idées avancées il y a plus de vingt ans par Jacques de Chalendar (4) : l’étalement des fermetures n’est qu’une solution partielle, il faut arriver, comme dans d’autres pays, à ce que chacun puisse prendre au moins une partie de ses congés au moment choisi par lui dans une large période, de mai à septembre par exemple, avec organisation d’un roulement à l’intérieur de l’entreprise. Et, dans la mesure où les congés des travailleurs sont souvent déterminés par ceux des enfants, il faut organiser le même système dans l’école : «Les parents qui souhaitent travailler en juillet et en août, et, a fortiori, ceux qui y sont contraints, doivent pouvoir partir avec leurs enfants en mai, en juin ou en septembre. Il doit en être de même pour les maîtres.» L’école fonctionnerait alors de la façon habituelle d’octobre à avril ; de mai à septembre, elle ne fermerait pas, et les élèves et les enseignants pourraient prendre leurs congés, de durée inchangée, aux moments qu’ils choisiraient, par blocs de trois semaines, les groupes d’élèves étant recomposés ainsi toutes les trois semaines, pour des activités en forme de stages ou de modules, largement libérées des contraintes des programmes. On pallierait ainsi la désorganisation du troisième trimestre, étant entendu que rien d’autre que l’habitude n’oblige à ce que le baccalauréat soit en juin.
Radicales, ces idées n’ont pas été retenues à l’époque. Elles montrent cependant le lien entre temps de l’école et données économiques et on peut conjecturer qu’un certain nombre d’objections à la prise en compte de ce lien ne sont, au fond, que des façons distinguées de se prémunir contre tout changement de pédagogie ou de calendrier. Il en est sans doute de même pour la question, assez complexe, de l’alignement de l’année scolaire sur l’année civile.
Le zonage est une forme sans doute plus acceptable par l’opinion, y compris l’opinion enseignante, d’assurer un certain étalement. Tout le monde n’en est pas convaincu, à en juger par les fréquents remaniements du calendrier, et en dernier lieu, pour les trois années à venir, par la limitation de ce zonage aux vacances d’hiver et à celles de printemps : le premier trimestre restera très long, le troisième très court, les vacances d’été commenceront partout en même temps, la rentrée sera décalée non par zones, mais entre les lycées et les écoles et collèges, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes aux familles. Pour l’été, on a sacrifié le principe de l’étalement à celui de dates uniformes pour les examens, et à la pratique des vacances au mois. Attendons les prochains changements de ce calendrier. Mais on voit bien la difficulté du zonage : pour instaurer une alternance, reconnue assez généralement comme souhaitable, de sept semaines de classe et deux semaines de repos, il faut l’appliquer à toutes les vacances, y compris donc les vacances d’été, mais aussi celles de Noël, et jusqu’ici on n’a jamais prévu qu’un décalage de quelques jours à ce moment. Il faut mettre en cause le calendrier des examens, voire leur consistance (mais ce ne sont pas des concours), et celui des mutations des enseignants. Le jeu en vaut pourtant la chandelle, l’économie s’en porterait mieux, et l’école aussi.
Calendrier scolaire et laïcité
Le calendrier scolaire pose aussi des questions sur la place des religions dans notre Ecole laïque.
En 1987, l’archevêque de Bourges avait attaqué en tribunal administratif une décision de l’inspecteur d’académie instituant la semaine anglaise et supprimant le congé du mercredi dans quelques écoles ; le tribunal puis le Conseil d’État en appel, avaient annulé la décision de l’IA au motif que seulement la loi ou le ministre pouvaient modifier le calendrier scolaire. Était invoqué l’article 2 de la loi de 1882 : "les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édifices scolaires". Mais la loi ne précise pas le jour. En revanche, la pratique d’un repos au milieu de la semaine, sans lien avec l’enseignement religieux, est bien antérieure, et c’est en continuant cette pratique qu’après 1882 le jeudi a été pris comme jour de congé, à une époque où le week-end n’était pas dans les habitudes. En 1972, on a transféré ce congé au mercredi, pour mieux équilibrer la semaine après la libération du samedi après-midi. On peut penser que des accords locaux entre autorités scolaires et autorités religieuses permettraient s’il était besoin, de dégager des horaires convenables pour permettre que les enfants reçoivent ce qu’on appelle aujourd’hui la catéchèse, y compris dans les jours ordinaires, en respectant l’esprit de la loi Ferry. Aujourd’hui, semble-t-il, quelque 45 % des enfants de 8 à 12 ans suivent la catéchèse dans les paroisses, un taux que l’Église craint de voir chuter fortement si le mercredi devenait jour de classe ordinaire.
On doit observer que le même problème se retrouverait pour d’autres activités, culturelles, sportives ou associatives, qui se déroulent actuellement le mercredi et ne se situeraient pas aussi facilement le samedi.
Reste la question des grandes fêtes, et du dernier jour de la semaine. Toutes considérations religieuses mises à part, on voit mal mettre en cause le dimanche, ou Noël, Pâques ou la Pentecôte, voire la Toussaint et même les lundis correspondants : ce sont, dans notre société laïcisée, des coutumes sociales et non religieuses. Il serait plus simple que Noël tombe toujours un dimanche, ou que la date de Pâques soit fixe ; rien ne semble s’y opposer théoriquement, mais cette question dépasse évidemment le cadre français. Quant aux autres fêtes chrétiennes chômées, leur liste a beaucoup évolué dans l’histoire, et elle n’est pas la même dans tous les pays, ainsi de l’Ascension, qui contribue si souvent à faire du mois de mai un mois en pointillés.
Remarquons enfin que, dans une société pluraliste, faire une place aux deux ou trois plus grandes fêtes juives et musulmanes serait une bonne mesure d’intégration. En revanche, il faut bien admettre que l’on ne peut pas donner au vendredi et au samedi, dans les écoles laïques, un rôle analogue à celui du dimanche.
Jacques George
Article paru dans le supplément n° 2 des Cahiers pédagogiques, mai/juin 1996.
Notes :
(1) L'INSEE compte comme départ en vacances un déplacement de plus de quatre jours, et ne prend en compte que les plus de vingt ans.

(2) Paris-Normandie, 15 mars 1996. À la suite : «les nombreux enseignants présents n'ont pu s'empêcher d'exprimer par un pesant murmure leur inquiétude devant un tel projet avec les conséquences humaines qu'il implique.»

(3) M. HENRIOT, président de l'ANATEEP, dans École et temps, INRP, 1994.

(4) Dans son rapport de 1970, Vers un nouvel aménagement de l'année, et un livre, L'aménagement du temps, Desclée de Brouwer, 1971.

19/03/2009

L’accompagnement à la scolarité en Essonne

Pour la troisième année consécutive, l’AD PEP 91 organise

le colloque de l’accompagnement à la scolarité en Essonne

« l’ambition de réussir ».

Samedi 28 mars 2009

8h30 à 12h et de 13h30 à 18h

sur le site IUFM d’Etiolles.

Cette manifestation a pour but de :

  • Réunir et resserrer les liens entre les différents acteurs de l’accompagnement à la scolarité (CLAS, Réussite éducative et accompagnement éducatif): intervenants et responsables des structures et associations, enseignants, parents.
  • Mutualiser les pratiques, les savoirs et les expériences dans ce domaine.
  • Informer sur les différents dispositifs mis en place à ce jour.
  • Echanger sur les enjeux, le rôle et l’intérêt de l’accompagnement à la scolarité.
  • Rechercher la meilleure complémentarité possible entre les différents dispositifs
  • Pour s'inscrire cliquer sur le document ci-dessous.




Plus d'infos, le programme détaillé : ADEP 91

13/03/2009

Rythmes de l’enfant : un autre aménagement est possible

Le mercredi 18 mars 2009 de 9h à 16h30 à la mairie du XIIème arrondissement de Paris, la FCPE, la Jeunesse au plein air et le Réseau français des villes éducatrices organisent une journée de réflexion sur l'aménagement des rythmes de l'enfant.

Les acteurs éducatifs sont invités à débattre des différentes possibilités afin d'imaginer une autre organisation de la semaine, pour le bien-être de l'enfant.

Cette journée apportera des informations à partir des contributions de chercheurs :

- Claire Leconte, professeure des universités en psychologie et spécialiste des rythmes de l'enfant,
- Nadine Le Floc'h, maîtresse de conférences en psychologie,
- Philippe Meirieu, professeur des universités en sciences de l'éducation,
- Alain Reinberg, médecin et chronobiologiste, auteur de nombreux ouvrages de chronobiologie,
- François Testu, chronopsychologue et président du conseil d'école de l'IUFM d'Orléans-Tours.


En savoir plus :

communiqué de presse
programme et inscription

05/03/2009

La FCPE-Crosne organise une soirée débat

Dans le cadre de ses réunions de débats et d’échanges, la FCPE- Crosne organise une soirée ayant pour thème :


L’enfant roi : Aimer sans tout permettre.


En présence de :

Isabelle FONTAINE, psychologue - sophrologue

Elisabeth NEAUX, intervenante prévention santé CPAM


Le jeudi 09 avril 2009 à 20H30

Salle PAROLE

Place Henry BARBUSSE à Crosne

au dessus de la bibliothèque municipale


Entrée gratuite. Venez nombreux !

13/02/2009

Pour la semaine de quatre jours et demi de classe

La FCPE met en ligne un dossier complet sur l'organisation de la semaine scolaire, les textes officiels, la procédure à suivre pour mettre en place la semaine de quatre jours et demi dans votre école, ainsi que des ressources documentaires pour aller plus loin dans votre réflexion.


Bibliographie :

L'enfant, la vraie question de l'Ecole, sous la direction de Hubert Montagner, éditions Odile Jacob, 2002. Cet ouvrage est issu d'un colloque organisé par la FCPE en 2001.
L'organisation du temps scolaire dans le premier degré : les effets de la semaine de quatre jours, rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale de mai 2002.

Rythmes de l'enfant ; de l'horloge biologique aux rythmes scolaires, expertise collective de l'INSERM, avril 2001.

Donner du temps... au temps de l'élève, dossier de la conférence de presse du CRAP du 3 septembre 2008.


Pour en savoir plus : à lire sur le blog.

11/02/2009

Evaluation du CM2

Vous êtes plusieurs à nous interroger sur un message électronique contenant une « réponse de la CNIL » indiquant ne pas avoir encore rendu son avis sur le fichier informatique recensant les résultats des évaluations de CM2. L’utilisation de ce fichier pour collationner les résultats serait dans ce cas illégale. Nous n’avons pour l’instant pas pu avoir confirmation par la CNIL de cette réponse et donc de l’illégalité du fichier utilisé par le ministère de l’Education nationale.

Cependant, en attendant une réponse officielle, vous pouvez vous opposer au traitement des résultats par ce fichier en reprenant par exemple le modèle de lettre d’Opposition au traitement des évaluations CM2 qui circule sur Internet (voir pièce jointe).

L’objet de la lettre d’Opposition au traitement des évaluations CM2 est de contester le traitement informatique des résultats des évaluations et de demander à l’administration de justifier sur quelle base légale elle opère et notamment si elle respecte les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

En effet, si l’avis de la CNIL semble avoir été sollicité pour la création du fichier contesté, il n’est pas avéré qu’un avis favorable ait été rendu pour le moment. Aucun avis ne figure en tout cas sur le site de la CNIL et celle-ci ne nous a pas non plus proposé de nous le communiquer lorsque nous l’avons sollicitée par téléphone. Il appartient à l’administration de faire la preuve qu’elle agit dans la légalité et donc de produire cet avis.


C’est donc user de son droit de citoyen et agir sur le fondement de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 que de demander compte à un agent public de son administration.

Ce courrier s’adresse aux enseignants et directeurs d’école, l’objectif étant qu’ils se retournent vers les IA pour demander des instructions et qu’ainsi le mécontentement des parents soit remonté.

De plus, nous vous rappelons que l’évaluation des élèves fait partie des missions des enseignants et qu’ils organisent celle-ci dans le cadre de leur liberté pédagogique. Pour sa part, la FCPE s’est prononcée officiellement pour le report des évaluations nationales de CM2 par communiqué de presse en date du 15 janvier 2009 mais elle est favorable à l’organisation d’évaluations diagnostiques comme il en existait en CE2 et en 6ème jusqu’à l’année dernière et à l’exploitation statistique nationale de ces données rendues anonymes, à des fins de pilotage du système. C’est aussi grâce à de telles données que la nocivité du redoublement a été incontestablement mise en évidence par les chercheurs. On ne peut donc que regretter l’abandon des évaluations diagnostiques de CE2 et 6ème.

Mais forcer le trait avec de telles évaluations, biaisées parce que portant sur des éléments du programme non encore abordés, leur retire toute valeur et rend leur exploitation impossible. D’autant que la majorité des enseignants n’a pas suivi les évaluations à la lettre mais les a adaptées à la situation de sa classe. Il ne sera donc pas possible des les utiliser en comparaison nationale. L’utilité de la saisie des résultats dans un fichier informatique national est donc caduque pour cette année. Les résultats de ces évaluations doivent rester au niveau de la classe.

Jean-Jacques HAZAN
Président de la FCPE


Modèle de lettre

Opposition au traitement des évaluations CM2
Madame, Monsieur, Directeur(trice)
Madame, Monsieur ……………………….. , Instituteur(trice), professeur(e) des Ecoles

En ma qualité de représentant légal de l'enfant …………………………… actuellement inscrit dans votre établissement en classe de CM2 et en application des dispositions de l'article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, je vous informe m'opposer à ce que les données personnelles nominatives relatives à mon enfant et résultant des évaluations pratiquées fassent l'objet d'un traitement automatique notamment par saisie informatique desdites évaluations.
Cette opposition vise toute personne devant effectuer la saisie des évaluations, ainsi que tout responsable de la mise en œuvre de ce traitement et tout destinataire de celui-ci.
D'une part, il n'existe pas à ma connaissance de dispositions légales particulières permettant ce traitement dans le cadre des évaluations 2009 en CM2, ni de dispositions expresses permettant d'écarter l'application de l'article 38 précité pour ce cas.
D'autre part, il apparaît que les données recueillies sont traitées et conservées de manière nominative au niveau de l'établissement et que leur procédure d'anonymisation pour leur transmission et leur utilisation en dehors de l'établissement laisse planer les plus grands doutes.
Notamment, cette procédure d'anonymisation ne semble offrir aucune garantie dans la mesure où l'attribution d'un numéro par évaluation permet de retrouver l'élève concerné – À cet égard, vous voudrez bien me justifier de ce que la procédure d'anonymisation utilisée a préalablement été reconnue conforme à la loi par la CNIL.
Par ailleurs, au mépris des dispositions de l'article 32 de la même loi, je n'ai pas été personnellement rendu destinataire des informations permettant ma connaissance de la mise en œuvre de ce traitement, de sa finalité, de son utilisation et des droits d'accès et de modification que je détiens sur les données en cause.
À cet égard, vous voudrez bien me justifier de la déclaration préalable du fichier créé par le regroupement de ces données et de son autorisation par la CNIL.
Je vous rappelle que la loi n° 78-17 prévoit des sanctions pénales pour les infractions commises à ses dispositions, outre toutes sanctions civiles de droit.
Je vous prie d'agréer l'expression de ma considération distinguée.
Signature

Les communes et l'école de la République

La cour des comptes a publié le 16 décembre un rapport intitulé « Les communes et l'Ecole de la République ». Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes a estimé, en le présentant en conférence de presse, que « l'Ecole est plus ou moins gratuite selon le lieu où on habite ».

Ce rapport est consultable en ligne
Vous pouvez également consulter une synthèse du rapport

Parents d'élèves, si vous saviez...

Cette tribune, parue dans Le Monde daté du mercredi 11 février, condamne le projet actuel de réforme de la formation des enseignants. Elle est cosignée par Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, et, entre autres, Philippe Joutard, historien, ancien recteur, président du groupe d’experts des programmes de l’école primaire de 2002, Hervé Hamon, écrivain, ancien expert auprès du Haut conseil de l’évaluation de l’école, Georges Molinié, Président de l’Université Paris 4 (Sorbonne) et André Ouzoulias, Professeur agrégé, IUFM de Versailles, Université de Cergy-Pontoise.


Le projet de réforme de la formation des maîtres entraînera un dramatique recul pour notre école publique. Qu'on en juge ! Aujourd'hui, après la licence et une année de préparation du concours, les lauréats ont le statut de professeur stagiaire.

Ils sont rémunérés durant leur cinquième année d'étude et leur formation se déroule en alternance dans des écoles internes d'universités, les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) et dans des établissements scolaires. C'est ainsi que les futurs professeurs des écoles se voient confier des élèves, en pleine responsabilité, lors de stages occupant un tiers de l'année, dans trois classes différentes.

Ce n'est pas parfait. Cette formation est trop courte, elle souffre d'une insuffisante prise en compte des gestes professionnels, d'une trop faible articulation entre la pratique et les apports qui l'éclairent (savoirs disciplinaires, didactique, pédagogie, psychologie, sociologie, histoire de l'école...). Nous ne nous satisfaisons donc pas du statu quo : il faudrait concevoir une formation professionnelle plus longue, qui donne toute sa place à la formation universitaire et joue à fond la carte de l'alternance.

Fallait-il donc rayer d'un trait de plume le système actuel, sans aucune évaluation préalable, et le remplacer aussi vite par un autre, différent et sans équivalent ailleurs ? Qu'il faille dispenser une formation disciplinaire de large spectre aux futurs enseignants dans les deux années suivant la licence pour les rendre capables d'intégrer de nouvelles connaissances dans leur enseignement tout au long de leur carrière, cela fait consensus. Qu'il faille renforcer leur formation sur les plans didactique et pédagogique, cela aussi est incontestable. Et que l'on reconnaisse ce plus haut niveau de formation par la délivrance d'un master en est une suite logique. Mais la condition impérative pour que cela soit possible, c'est le maintien de la formation par alternance. Or ce n'est pas du tout ce que prévoit le nouveau dispositif, applicable dès septembre.

Pendant leur formation, les étudiants ne disposeront au mieux que d'un mois de stage pour s'exercer au métier, mais tous n'en bénéficieront pas car il n'est pas obligatoire d'en prévoir dans le cursus. Et comment le pourrait-on quand le ministère promet 40 000 stages pour... 150 000 étudiants ? Heureusement d'ailleurs pour les rectorats, bien incapables de répondre à la demande, notamment dans les académies qui ont le plus de candidats.

Et même quand les étudiants auront un stage, leur obsession légitime sera de réussir le concours : ses épreuves se situent en janvier et juin de la 2e année de master. Et il est évident que leur préparation empêchera aussi de s'engager dans les recherches qu'exige le mémoire de master.
Ensuite, après cette "formation", les débutants devront assurer seuls, sans accompagnement véritable, un enseignement à plein temps à l'année. Ainsi le professeur des écoles qui aura fait un stage d'un mois (dans le meilleur des cas) au CM1 pourra se voir confier, sans expérience préalable, un CP ou une classe de maternelle ! Et le jeune professeur de maths ou d'histoire qui aura pu s'entraîner quelques heures (mais pas toujours) dans une classe de 1re devra enseigner d'emblée à cinq ou six classes allant de la 6e à la 3e dans un collège de banlieue ! Premiers pas inoubliables dans le métier...

Donnerait-on le permis de conduire à des candidats qui n'auraient jamais pris le volant ? Que dirait-on d'une formation d'infirmières qui apprendraient dans les livres à faire les piqûres ? C'est pourtant ce que le ministère s'apprête à décréter. Les conséquences sont hélas prévisibles : les débutants auront du mal à gérer la classe et, malgré eux, ils mettront souvent leurs élèves en difficulté. Les inspecteurs et les chefs d'établissement seront submergés de plaintes, le pourcentage de démissionnaires augmentera, on créera des "cellules de soutien psychologique"...
Cette réforme réussit par ailleurs le tour de force de susciter simultanément de légitimes inquiétudes quant au niveau de maîtrise des disciplines par les futurs enseignants, notamment en raison d'une conception hybride des épreuves des concours. La réduction de leur nombre (pour faire des économies) empêchera de s'assurer que les lauréats maîtrisent bien les savoirs et compétences nécessaires pour enseigner les disciplines scolaires. Le comble est atteint avec le concours de professeurs des écoles, qui n'aura plus d'épreuve pour vérifier de façon fiable leur capacité à enseigner le français !

Enseigner est un métier qui s'apprend, et qui s'apprend continûment, en même temps qu'une fonction sociale qui exige une permanente mise à jour des connaissances. Or, non seulement le projet ne dit rien de la formation continue des professeurs du secondaire, déjà si restreinte, mais il la met en péril dans le primaire. En effet, actuellement, les professeurs des écoles peuvent bénéficier de la formation continue parce que, lors des stages de formation initiale, leurs jeunes collègues les remplacent dans leur classe. En divisant par trois la durée de ces stages, on anéantit la formation continue. On tourne le dos aux conditions du progrès de l'école.
La logique globale semble d'abord budgétaire : la suppression du statut de fonctionnaire stagiaire rémunéré équivaut à un plan social de 20 000 postes. Ce sera aux familles de payer les études... Du moins, celles qui le pourront. Cette logique est injuste.

Mais le projet met aussi à mal l'égalité territoriale. Le caractère national des concours est fragilisé, dans les départements ruraux, l'existence des sites IUFM installés dans les anciennes Ecoles normales est menacée et le gouvernement a engagé les universités dans une concurrence sauvage : on ne peut plus être sûr qu'on formera les mêmes enseignants d'une région à l'autre ou au sein d'une même région tant les conceptions du métier varient d'un projet à l'autre.
Est ainsi en train de se rompre le lien consubstantiel établi depuis Jules Ferry entre l'école, les maîtres et la République, celui d'une formation définie et maîtrisée par l'Etat. Nous assistons à la dénationalisation de la formation des maîtres, le coeur de l'école publique. Pourquoi les citoyens ne sont-ils pas informés de cette réforme essentielle ? Pourquoi le Parlement n'en est-il pas saisi ?

Depuis l'automne, ce projet fait l'unanimité contre lui. La plupart des universités ont demandé un moratoire pour permettre que s'engage une négociation sérieuse autour d'une vraie réforme, plus nécessaire que jamais, à un moment où le métier est de plus en plus difficile. Mais elles ne sont pas entendues.
Pour l'instant, cette obstination a un résultat évident : la pagaille dans le monde universitaire. Le retour des projets de master est imposé pour le 15 février, mais les dernières précisions du ministère datent du 15 janvier et les textes officiels sur les épreuves des concours ne sont toujours pas parus...

Que faire devant tant d'irresponsabilité et tant d'irrespect envers les acteurs de la formation ? Au regard des délais, il n'y a plus d'autre solution : les parents d'élèves, appuyés par les parlementaires et les élus locaux attachés à la qualité de notre école, doivent demander l'arrêt d'urgence de ce train fou. Nous en sommes convaincus, le gouvernement devra alors cesser de s'entêter et retirer sa "réforme", maintenir une année de plus les concours actuels, prendre le temps d'évaluer l'existant et organiser l'indispensable négociation. C'est l'esprit républicain et c'est le simple bon sens. Mais il faut agir vite.

Sylvie Clabecq, professeur IUFM Pays de Loire, université de Nantes ;
Guy Couarraze, président de l'université Paris-Sud-XI ;
Claudine Garcia-Debanc, professeur des universités, IUFM de Midi-Pyrénées, université Toulouse-II-Le Mirail ;
Sylvain Grandserre, professeur des écoles, directeur (Seine-Maritime), prix Louis Cros 2007 ;
Hervé Hamon, écrivain, auteur de "Tant qu'il y aura des profs" et éditeur ;
Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents d'élèves de l'école publique ;
Philippe Joutard, historien, ancien recteur ;
Jean-Pierre Kahane, mathématicien, membre de l'Académie des sciences ;
Georges Molinié, président de l'université Paris-IV (Sorbonne) ;
André Ouzoulias, professeur agrégé, IUFM de Versailles, université de Cergy-Pontoise ;
Sylvie Plane, professeur des universités, IUFM de Paris, université Paris-IV.

05/02/2009

La FCPE exige la semaine scolaire de quatre jours et demi avec le mercredi matin

La FCPE lance une campagne nationale pour que les parents d’élèves élus mettent à l’ordre du jour des conseils d’école du deuxième trimestre la réorganisation de la semaine scolaire.

Une seconde rentrée scolaire avec une semaine sur quatre jours revient à renoncer au respect des besoins et des rythmes des enfants.

La FCPE lance une campagne nationale pour que les parents d’élèves élus mettent à l’ordre du jour des conseils d’école du deuxième trimestre la réorganisation de la semaine scolaire.
Elle appelle les parents à se concerter avec les villes, les équipes pédagogiques, les inspections académiques, les associations complémentaires de l’école pour proposer une semaine sur quatre jours et demi avec cours le mercredi matin, et un temps scolaire quotidien qui n’excède pas 5 heures.

Cette nouvelle organisation de la semaine permet l’adaptation de la journée de classe aux rythmes des élèves.

Les pics de vigilance des élèves qui se situent en fin de matinée et en fin d’après midi seront enfin pris en compte.

Le temps d’accueil du matin, la pause méridienne et l’après classe seront ainsi repensés.
Cette réorganisation de la semaine participe à la lutte contre l’échec scolaire.

La FCPE rappelle que le système éducatif français impose aux enfants les journées de classe les plus longues d’Europe sur l’année scolaire la plus courte.

A lire : "L’aménagement des rythmes scolaires reste à faire"

source site national

02/02/2009

Rythmes biologiques et espaces chez l'enfant

Hubert Montagner, directeur de recherches à l'INSERM, démontre dans cet article l'importance dès la naissance des interférences du temps et de l'espace dans les constructions de l'enfance, y compris les apprentissages.

Les études combinées du développement, des processus d'attachement et des conduites de l'enfant montrent que, dès la naissance, et avant pour certains aspects, la relation, le temps et l'espace interfèrent à tout moment dans l'organisation et la fonctionnalité des « compétences-socles » qui sous-tendent les constructions de l'enfance, y compris dans les apprentissages (FI. Montagner,1995, 1996, 2002). En conséquence, lorsqu'on élabore dans les écoles des stratégies qui lient la relation, le temps et l'espace, on crée les conditions « basiques » pour que les enfants de tout âge puissent révéler ces compétences, quelles que soient leurs particularités, y compris lorsqu'ils sont «étrangers», «inadaptés» ou «handicapés». Ils peuvent alors structurer leurs processus cognitifs et libérer leurs ressources intellectuelles.
Je n'aborderai pas ici les systèmes de relations, ni leurs fondements comportementaux et psychiques, puisque ce domaine est bien exploré par les cliniciens qui participent au colloque (voir aussi H. Montagner, 1996, 1998,2002).
S'agissant du temps, les principales conclusions issues des recherches sur les rythmes veille-sommeil et les rythmicités psychologiques ont été rapportées respectivement par J.Paty et F.Testu. Je nie limiterai donc à la présentation de données récentes sur l'évolution temporelle de rythmicités «bio-psychologiques, qui sous-tendent le traitement de l'information à l'école maternelle, et donc les constructions qui sous-tendent l'accès au savoir et à la connaissance, notamment dans les apprentissages scolaires. Je présenterai ensuite quelques principes d'aménagement des espaces scolaires à partir des données de la recherche et des constats de la clinique (les espaces-temps).

1. Données nouvelles sur la genèse des rythmicités de la vigilance et du traitement de l'information au cours de la journée scolaire
Des données nouvelles se dégagent d'une recherche conduite pendant 3 ans sur les fluctuations au cours de la journée de la vigilance et de l'efficience dans le traitement de l'information, de la petite à la grande section d'école maternelle, au sein d'établissements scolaires dont certains sont situés en Zone d'Education Prioritaire et les autres en secteur «ordinaire».
Fondée sur une méthode proche de celle utilisée par Testu, mais avec des tests adaptés aux âges de l'école maternelle, la recherche permet de quantifier chez tous les enfants de la même classe leurs oublis et erreurs dans le «traitement» à quatre moments de la journée de signes «iconiques» et de signes linguistiques (dans chaque classe, les tests sont organisés une seule fois dans la journée à 9h, 11h, 14h ou 16h). Elle a porté sur plusieurs centaines d'enfants dans 12 écoles maternelles de la même région du sud de la France. Le traitement statistique de plusieurs milliers de tests révèle notamment que :
a). En grande section d'école maternelle (les enfants sont âgés de 5 à 6 ans au moment des tests), le pourcentage d'enfants peu ou non vigilants, c'est-à-dire qui commettent au moins un «oubli» (ils n'entourent pas tous les signes iconiques ou linguistiques identiques au modèle) et la fréquence des «oublis» suivent la même évolution journalière que celle mise en évidence chez les enfants de l'école élémentaire (Testu,1986-2001; Montagner et Testu, 1996) : les valeurs les plus élevées sont observées à 9h et 14h. C'est aussi ce qu'on observe pour le pourcentage des enfants qui commettent au moins une erreur dans le traitement de l'information (ils entourent un ou plusieurs signes différents de celui du modèle) et la fréquence moyenne des erreurs. Soulignons que, dans notre échantillon, l'organisation du temps scolaire est comparable à celle de la plupart des écoles élémentaires, c'est-à-dire une matinée de 8h30 à 11h30 et un après-midi de 11h30 à 16h30. Soulignons qu'un «temps de sieste» n'y est pas organisé après le déjeuner.
b). En moyenne section (les enfants sont âgés de 4 à 5 ans), les fluctuations au cours de la journée sont comparables à celles de la grande section, mais seulement pour le pourcentage des enfants «oublient». Cependant, elles sont moins marquées. En revanche, la fréquence moyenne des « oublis » ne varie pas de façon significative d'un moment à l'autre de la journée scolaire. Si on considère les erreurs dans le traitement de l'information, les résultats sont différents de ceux de la grande section :
- le pourcentage des enfants qui commettent au moins une erreur et la fréquence moyenne des erreurs augmentent progressivement entre 9h et 11h.

- le pourcentage d'enfants qui commettent au moins une erreur et la fréquence des erreurs sont encore plus élevés â 14h qu'à 11h, mais diminuent à 16h. Les valeurs maximales observées à 14h pourraient être en relation avec l'absence d'un « temps de sieste » au début de l'après-midi.
La moyenne section a donc des caractéristiques de grande section pour les oublis et de petite section pour les erreurs (voir ci-dessous).
c). En petite section (les enfants sont âgés de 2 ans et demi à 4 ans), on observe une évolution journalière inverse de celle des enfants de grande section. En effet, le pourcentage d'enfants qui commettent au moins un «oubli» ou une erreur augmente entre 9h et 11h. Il est plus faible au début de l'après-midi qu'à 11h et continue de diminuer à 16h. C'est aussi ce qu'on observe pour la fréquence moyenne des «oublis» et erreurs. Les données recueillies le matin sont corrélées à un ensemble d'indicateurs comportementaux de non-vigilance, de fatigue et d'insécurité affective. En effet, on observe de 10h30 à 11 h une augmentation de la fréquence des bâillements, affalements, étirements, pleurs sans raison apparente, refus de l'activité ou de la tâche proposée, évitements de l'interaction, comportements autocentrés, agressions «hors de propos»... , et du pourcentage d'enfants qui développent ces comportements. La diminution observée au cours de l'après-midi pour la fréquence des « oublis » et erreurs, et le pourcentage des enfants qui en commettent, coïncide avec l'aménagement d'un temps de sieste à partir de 13h30.
Dans toutes les classes de l'échantillon (selon les classes, de 60 à 80% des enfants s'endorment) ; les tests sont organisés à 14h30, et non 14h, lorsque de 80 à 90% des enfants se sont réveillés. Par conséquent, par comparaison avec la moyenne section, et encore plus nettement la grande section, la même organisation temporelle de la matinée (3 heures de «contraintes scolaires» de 8h30 à 11h30) se traduit chez les enfants de la petite section par une non-vigilance croissante (donc moins d'attention, de réceptivité et de disponibilité) et une diminution de l'efficience dans le traitement de l'information de 9h à 11h. En revanche, la possibilité et la réalité d'une sieste au début de l'après-midi entraînent ensuite plus de vigilance et d'efficience dans le traitement de l'information.
d). Le pourcentage des enfants qui commettent au moins un «oubli» ou une erreur, ainsi que la fréquence moyenne des «oublis» et erreurs sont, à tous les moments de la journée, beaucoup plus élevés dans les petites sections des Zones d'éducation Prioritaire que dans celles des écoles « ordinaires ».
Parallèlement, le pourcentage des enfants qui ne commettent ni oubli ni erreur est beaucoup plus faible dans les petites sections de Z.E.P. (les différences sont hautement significatives : les tests statistiques donnent des seuils de significativité qui varient selon les tests de .01 à .000e-01).
e). Les différences entre les moyennes sections des deux groupes d'écoles sont moindres. Elles diminuent encore entre les grandes sections. Autrement dit, les différences se réduisent avec l'âge et les années passées à l'école maternelle.
Les processus de développement, les acquisitions et apprentissages et l'efficacité éducative et pédagogique des enseignants pourraient expliquer ce «rattrapage». Cependant, les différences entre les classes des écoles «ordinaires» et les classes «homologues» des Zones d'Education Prioritaire varient avec la difficulté de la tâche. Elles sont faibles pour les tâches simples (tests avec îles signes iconiques orientés selon un même axe horizontal : par exemple des flèches). Mais, elles restent élevées pour les tâches complexes (tests avec des signes iconiques orientés selon des axes opposés, et tests avec des syllabes). En outre, si l'évolution temporelle des «oublis» et erreurs au cours de la journée scolaire est le plus souvent conforme au modèle établi dans les moyennes et grandes sections des écoles «ordinaires», elle est plus variable et atypique dans les classes «homologues» des écoles de Z.E.P.
On ne peut donc organiser selon un modèle unique le temps scolaire au cours de la journée dans les différentes sections de l'école maternelle. En outre, on ne peut évaluer de la même façon la vigilance, l'attention et le traitement de l'information dans les différents types de tâches, et selon que l'on considère les enfants des écoles «ordinaires» ou ceux des écoles situées dans des secteurs de vie où les familles ont une forte pro¬babilité de cumuler les difficultés matérielles, morales et sociales (Zones d'éducation Prioritaire).
2. Les espaces-temps dans les structures d'accueil et d'éducation
Si on se fonde sur les données de la recherche et les constats de la clinique, deux types d'aménagement paraissent nécessaires :
A. Les lieux d'accueil de l'enfant et de ses parents (les lieux intermédiaires)
Une fonction essentielle des structures qui reçoivent les enfants de tous âges est de créer les conditions d'un accueil sécurisé et sécurisant pour l'enfant et ses parents. En premier lieu, et bien évidemment, elles ne doivent en aucun cas être dommageables pour leur intégrité physique et biologique. Elles doivent aussi assurer à chacun une réelle sécurité affective, c'est-à-dire une ambiance, des personnes apaisantes, des aménagements d'espace et des mobiliers qui lui permettent de «déminer», en tout cas relativiser et de dépasser, l'anxiété, l'inquiétude, l'angoisse, les phobies et les peurs qui le «minent».
Rassurés, les différents enfants peuvent s'ouvrir vers l'environnement, se déculpabiliser, prendre ou reprendre confiance en eux. Sans sécurité affective, ils ne peuvent s'ajuster à l'environnement, réguler leurs émotions et affects, construire ou reconstruire leurs comportements sociaux et systèmes relationnels, et mobiliser leurs ressources cognitives. Ce qui se traduit par des comportements autocentrés, évitements, fuites, bouffées d'hyperactivité, pleurs sans raison apparente, enchaînements d'agressions-destructions et/ou comportements étranges. Ces conduites sont particulièrement marquées et fréquentes au cours de la première heure de la matinée scolaire. L'insécurité affective apparaît surtout en relation avec le vécu dans le milieu familial, que l'enfant soit directement impliqué (maltraitance, attachement « insecure »…), ou u'il soit immergé dans »des bains anxiogènes» induits par les souffrances parentales (maladie, chômage, conditions de travail, mal-être persistant, conflits entre la mère et le père...).
Il faut donc que les parents puissent être également sécurisés, rassurés et déculpabilisés lorsqu'ils confient leur enfant à une structure d'éducation, en particulier l'école.
L'aménagement de «lieux intermédiaires» entre l'amont (le milieu familial, l'environnement urbain) et l'aval (les lieux pédagogiques), permet aux différents enfants, notamment à leur arrivée à l'école, de s'apaiser et de dépasser leurs peurs et inquiétudes, leur anxiété ou angoisse. Il est aussi conçu pour que, au début de chaque matinée scolaire et avant le premier temps pédagogique, chacun puisse avoir le temps de s'activer cérébralement et corporellement, de développer une vigilance et une attention suffisantes pour être réceptif et disponible, et mobiliser ses capacités de traitement de l'information. C'est en même temps des relations apaisées qui peuvent s'installer entre les différents « acteurs » de l'école (enfants-élèves, enseignants, éducateurs, parents).

B. Les lieux de construction des compétences et savoirs
Après un temps de vie personnalisé (ou temps-sujet) dans des lieux intermédiaires, les enfants élèves peuvent «libérer» plus complètement leurs compétences et en acquérir de nouvelles, en tout cas dans le cadre de stratégies qui lient la relation, le temps et l'espace. En effet, dans une organisation temporelle et spatiale qui alterne les temps d'apprentissage scolaire, les temps de découverte et (l'expression « plurielle » dans des lieux diversifiés et les temps de détente, les enfants-élèves se montrent sans limite, quelles que soient leurs limites apparentes ou supposées.
Ceux qui sont dits en échec scolaire surprennent par leurs capacités d'adaptation et de création. les possibilités qui leur sont offertes de vivre des interactions sociales avec différents partenaires, leur permettent de rendre lisibles des capacités de communication insoupçonnées, surtout s'ils ont une étiquette d'enfants autocentrés, craintifs, évitants, hyperactifs, étranges, agresseurs ou destructeurs.
L'aménagement pluriel des espaces donne aux enseignants la possibilité de combiner «les temps ordinaires de classe» dont la finalité est la transmission du savoir et des connaissances, les temps d'acquisition et de consolidation de processus cognitifs autres que ceux des apprentissages scolaires, et les temps personnels ;
Un tel aménagement permet aux parents et familles d'apporter leurs compétences et contributions à l'ensemble des enfants-élèves et au fonctionnement de l'école, sans interférer avec la pédagogie des professeurs. En outre, des lieux de concertation, médiation, projet, création ... donnent à l'école un cadre de liberté pour des relations plus ouvertes et confiantes;
Enfin, les interventions extérieures sont facilitées par l'aménagement de lieux où les compétences et pratiques peuvent être optimisées, qu'il s'agisse de psychomotriciens, rééducateurs, professeurs de sport, psychologues, peintres, musiciens, informaticiens, artisans... (pour des informations sur des réalisations concrètes, voir Montagner, 1996, 1998, 2002).
En conclusion, les structures d'éducation et d'enseignement, et aussi les structures de soins et de loisirs pour enfants, pré-adolescents et adolescents ne peuvent être simplement conçues et réalisées à partir des seules finalités institutionnelles, et des objectifs qui en découlent, ni à partir des seuls intérêts dominants, ni dans l'enfermement d'un à priori idéologique. Elles ne peuvent davantage être enfermées dans une organisation du temps et une architecture ignorantes des réalités qui organisent le développement et les conduites des enfants-élèves. Elles doivent être aussi des lieux dont les bains de relations et les espaces-temps permettent à tous de libérer toute la gamme de leurs compétences, et de les rendre fonctionnelles dans des situations et contextes variés, tout en acquérant de nouvelles compétences.
C'est alors que les enfants, pré-adolescents et adolescents peuvent réguler leurs émotions et affects, organiser leurs conduites sociales et processus de socialisation, apprendre les mécanismes qui fondent les acquisitions et apprentissages.
Les discours sur «l'échec scolaire» et «la violence à l'école» (et ailleurs) ne peuvent avoir de sens que s'ils sont conceptualisés à partir de cette «évidence» nourrie par la recherche fondamentale, les observations cliniques et les innovations pédagogiques, dès lors qu'on place l'enfant-élève au coeur de l'innovation.
Pour prolonger la réflexion :
Une expertise collective de l’INSERM d’avril 2001 « Rythmes de l'enfant ; de l'horloge biologique aux rythmes scolaires » dont un résumé est accessible en ligne.
Le rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale de mai 2002 sur «L'organisation du temps scolaire dans le premier degré : les effets de la semaine de quatre jours».

Eduquer ensemble - Le Conseil Scientifique de la FCPE